Note : pour mieux comprendre cet article, vous pouvez d’abord lire « petit tour d’horizon sur le spectre aromantique » (même si ce n’est pas forcément indispensable).
Je pense ne pas être le seul aro[1] dans ce cas : pour moi, lire une simple définition de l’aromantisme n’a pas suffit à m’identifier, je n’ai eu aucun déclic. La définition d’aromantique, c’est « ne pas ressentir d’attirance romantique », alors quand on sait pas ce que c’est l’attirance romantique, on est pas forcément trop avancé en lisant ça, d’autant plus quand on a absolument aucune représentation aro autour de soi. Du coup, il a fallu vraiment que je lise des témoignages pour comparer mon vécu et le vécu d’autres aro et que je réfléchisse rétrospectivement à ma vie, mes relations, mes attirances. Revenons là-dessus, puisque c’est le sujet de cet article.
Mon histoire commence à l’école primaire. J’étais dans une situation délicate parce que j’étais censé être une fille hétéro (et par hétéro j’entend hétérosexuelle *et* héteroromantique). Le truc, c’est que j’étais déjà pas une fille et en plus j’étais hétéro dans aucun sens du terme – mais je l’avais pas encore verbalisé. Les autres filles étaient amoureuses de garçons et moi je pensais qu’il suffisait de choisir un garçon qu’on trouvait plutôt mignon esthétiquement et sympa et dire qu’on l’aimait, non ? Encore aujourd’hui, j’ai du mal à croire qu’il puisse en être autrement…
Vers l’âge de 11 ans, j’ai eu mon premier petit copain. Je sortais avec lui juste parce qu’il disait qu’il m’aimait et je me disais que ça devait marcher comme ça. On se voyait pas souvent car il habitait assez loin et j’ai fini par en avoir marre. Je lui ai dit que c’était fini de manière absolument pas diplomatique parce que j’étais persuadé qu’il n’avait aucun sentiment non plus et que ça n’allait rien lui faire. Je m’étais trompé à ce sujet et il l’a très mal vécu… ><
A l’âge de 13 ans, j’ai rencontré quelqu’un (identifié garçon à l’époque) de qui je suis devenu très proche rapidement. Je me rappelle très clairement m’être posé la question de s’il s’agissait d’ « amour » (au sens romantique) ou d’ « amitié » (au sens platonique). J’avais conclu qu’il ne s’agissait pas d’amour romantique et que c’était plutôt comme « une amitié très forte ». On savait bien que notre relation n’était pas normative, mais on n’avait pas de mots et on se disait « meilleurs amis » faute de mieux. Ah, si j’avais connu l’existence des relations queerplatoniques[2] à l’époque !
D’ailleurs, ma mère me demandait tout le temps si c’était pas mon petit copain, parce qu’on était toujours collés et on était censé être une fille et un garçon donc #hétéronormativité ! Ca a duré un an et quelques entre nous puis on a coupé les ponts suite à une « rupture ».
Par la suite, j’ai eu d’autres relations qu’on pourrait qualifier de queerplatoniques, mais surement moins intenses que celle-ci. Il ne s’est pas passé grand chose d’intéressant sentimentalement durant quelques années. Je répétais que « de toute façon, moi je ne peux pas tomber amoureuxe sans déjà sortir avec la personne ». Je comprenais qu’on puisse trouver quelqu’un de chouette d’un point de vue platonique avant de sortir avec iel, mais pas qu’on puisse tomber amoureuxe avant ; ça me paraissait impossible.
D’ailleurs, mon discours était assez proche du demi-romantisme dans l’idée, même si je ne suis pas demi-romantique[3]. Je n’étais (presque) jamais sorti avec quelqu’un dans le sens conventionnel du couple romantique donc je me disais que ça allait bien m’arriver un jour de ressentir des sentiments typiques, d’où mon discours proche du demi-romantisme.
Par ailleurs, le romantisme est omniprésent dans les médias ce qui fait que je voyais bien à quoi ce modèle de couple romantique était censé ressembler. J’aimais bien écrire des fictions et pourtant j’étais totalement désintéressé par la potentialité d’une quelconque histoire d’amour romantique entre mes personnages. Pourquoi diantre tous ces gens trouvaient ça cool d’écrire sur des histoires romantiques ? Mais le temps passant, je me disais que c’était quand même pas normal que ça m’intéresse pas, et je me suis forcé à en écrire (coucou amatonormativité ![4]). Sauf que, gros fail, ce que j’écrivais ne ressemblait absolument pas à ce que je voyais ailleurs dans les médias. Ca avait un côté hyper frustrant. Je voyais bien que mes personnages n’étaient pas dans un couple conventionnel, mais plus dans un duo platonique.
Bref, l’eau a coulé sous les ponts, et j’ai un peu mis ces réflexions de côté. J’ai rencontré mon partenaire actuel à l’âge de 18 ans. Il est a priori alloromantique (pas aromantique)[5]. J’écrirai peut-être plus tard sur comment ça peut fonctionner quand on est avec un-e partenaire zedro. En attendant, vous pouvez toujours lire cette BD en anglais : You’re aromantic but you have a girlfriend ? Sachant que je suis aussi anarchiste relationnel[6], mais c’est une histoire pour un autre jour, sinon cet article va faire 3 km de long. Mais sachez pour la petite anecdote que la structure d’anarchie relationnelle peut souvent convenir aux aro.
Revenons-en à nos moutons. J’ai commencé par la suite à m’intéresser à la communauté LGBT+[7] pour des raisons évidentes (coucou non-binarité[8] !) Je suis donc tombé sur le concept d’attirance romantique. Ca avait l’air assez vague, et je pensais que c’était surtout les sentiments de manière générale – or des sentiments j’en ai, donc c’est que je devais être alloromantique n’est-ce pas ? En fait, je pensais que le queerplatonique était du romantique. Puis la communauté aromantique était tellement invisible que je me demandais si ça existait vraiment (c’est le comble hein ?) D’où l’importance de la visibilité, et je vais y revenir juste après.
Je suis ensuite tombé sur le terme quoiromantique. Ca peut avoir plusieurs sens :
1 – ne pas faire la distinction entre le platonique et le romantique ;
2 – la question de l’attirance romantique est non-applicable, non pertinente ou on est carrément en dehors du spectre linéaire zedromantique-aromantique.
Je me disais que ce terme me parlait pas mal, dans la mesure où je ne captais vraiment pas ce qu’était l’attirance romantique et que je ne comprenais pas la différence avec le platonique. Mais à l’époque, j’avais pas vraiment capté non plus que les personnes quoiromantiques faisaient partie de la communauté aro et je m’identifiais pas fortement à ce terme, je le trouvais peu utile sur le moment. Je voyais peu de personnes en parler aussi, donc ça n’aidait pas à s’identifier à ce terme ou à la communauté.
Puis j’ai continué à être titillé en bruit de fond par ces questions, et un jour j’ai juste eu un déclic. J’ai compris que j’étais vraiment aro. J’ai commencé à vraiment me renseigner à fond sur l’aromantisme pour être sûr. La liste « tu pourrais être aromantique si… » m’a bien aidé. Je mets une traduction en français ci-dessous.
J’ai aussi compris que voir si peu d’aro, même dans la communauté LGBT+ sur Internet, avait complètement retardé mon identification, et que ça serait bien d’en parler plus. On en revient à l’importance de la visibilité !
J’espère que cet article sera utile à d’autres aro ou même à des allromantiques pour mieux nous comprendre ^_^ Paillettes et licornes 😉
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[1] Aro : abréviation d’aromantique, parfois utilisé comme un terme parapluie pour l’ensemble des personnes sur le spectre aromantique.
[2] Les relations quasi-platoniques ou queer-platoniques sont des relations qui ne rentrent pas dans la norme de l’amitié ni de l’amour romantique conventionnels. A lire : C’est quoi le queerplatonique ?
[3] Demi-romantique : ne ressentir de l’attirance romantique qu’après avoir formé un lien émotionnel fort avec une autre personne.
[4] Amatonormativité : le fait de placer les relations romantiques comme supérieures aux autres et comme la norme pour l’ensemble des êtres humains. Cette oppression touche tout particulièrement les personnes aro.
[5] Alloromantique ou zedromantique : personne qui n’est pas sur le spectre aromantique (qui est donc dans la norme).
[6] Structure de non-exclusivité relationnelle parfois classée sous le parapluie des relations polyamoureuses ; le principe est de ne pas hiérarchiser les relations entre types (romantiques/platoniques/sexuelles) et entres différentes personnes voire de ne pas étiqueter ces relations. A lire : l’anarchie relationnelle en 8 points.
[7] LGBT+ : Lesbienne Gay Bi Trans + les autres
[8] Non-binaire = une personne qui n’est ni homme ni femme ou ni strictement homme et/ou femme.
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Merci pour cet article (et l’article en lien) jai l’impression d’y avoir plus clair. J’ai compris récemment que j’étais ace, mais je n’arrivais pas à me situer par rapport à l’aromantisme (vu que bah, c’est censé faire quoi d’être amoureuxse ?). La définition en elle-même n’était pas suffisante pour moi, en fait, mais je « relate » (le mot me vient pas en français… 😅) à la majorité des points dans le lien cité…
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Merci beaucoup. Cet article m’a permis de comprendre un peu ce qui « ne tournait pas rond chez moi ». En grande partie pourquoi je ne savais pas faire la distinction entre amitié/amour et pourquoi je ne savais pas ce que ça faisait d’être amoureuse. Je me suis identifiée à de très nombreux points. Je ne sais pas si c’est suffisant pour en déduire quelque chose mais je me sens comprise et moins seule puisque visiblement on est plusieurs à passer par là.
Néanmoins, je ne m’attendais pas à ce qu’une telle diversité se cache sous un seul terme. C’est encore compliqué pour moi de savoir où me situer. Mais chaque chose en son temps je pense !
Enfin bref un très long commentaire pour un grand merci 🙂
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J’ai des amies Aro, et c’est les voir en parler qui m’a mise dans le doute. Je veux dire… on m’a déjà fait des déclaration et j’ai toujours fuit sans comprendre pourquoi. Pour moi être en couple, c’était une plaie, devoir faire quelque chose avec une personne spécifique… yeurk !
Du coup ton article a été très clair, plus que la définition ou celui que j’ai lu avant, alors merci d’avoir pris le temps de l’écrire !
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Bonjour !
Merci beaucoup pour ce blog, qui m’a beaucoup éclairé ! C’est vrai que la définition d’automantique n’aide pas vraiment 😭 étant donné qu’on ne peut pas forcément savoir ce qu’est ressentir une attirance amoureuse!
Merci aussi d’avoir traduit la liste, je me reconnais dans beaucoup de points !
Lorsque j’ai appris l’existence de l’orientation aromatique, j’ai été en quelques sorte soulagée, de savoir que ça pouvait être normal de ne ressentir aucune attirance envers quelqu’un !
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Salut
Jai 15 ans alors je sais pas vraiment encore qui je suis mais je suis vraiment contente que tu arrives à expliquer tout cela et ça ma beaucoup aider a voir un peu plus clair en ce qui était pas vraiment « normal » chez moi.
Donc bah voilà
Merci
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La liste d’exemple…98%…me parle fortement…C’est fou.
Surtout le numéro 34 et 48.
Je sentais que je fuyais carrément, genre physiquement, évitant là où c’est le cas ou là où je m’attendais.
Je me sens mal à l’aise aujourd’hui car justement oui « juste amical » pas de « filtre ». J’aime bien plaisanté, m’amuser, comme on joue aux jeux de cartes, dans le sens, joie et partager comme un ami.
Mais quand je suis sens que ça devient trop…
…Je n’aime pas les éloges, surtout romantique 😖.
Une fois, je me suis retrouvé dans une situation comme ça avec une inconnue, j’étais extrêmement mal à l’aise.
J’ose plus avoir de nouvelles connaissances ou relation car ça coupe direct, ça vient froid ou je met une limite donc les gens finissent par « tracer leur chemin »
La répond qui questionne la question serait :
« Comment te dire Charle, que si ça tenait qu’à moi, je n’aurai que des relations platonique/amicale, où je préférais rester célibataire. »
Bref,
merci pour ton récit. 🧡
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Je pense être aromantique, mais je ne sais pas, si c’est cela ou si sait mon vécu personnel qui fait que c’est comme ça que je le perçoit, c’est pas très clair, une chose est sur être avec quelqu’un cohabiter m’insupporte ainsi que les formes d’affection même si on médis que je suis trop empathique et que j’ai un cœur sous cette couche de pierre
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Bonsoir, étant depuis 1 ans en questionnement, j’aimerais pouvoir m’identifier clairement
Je sais en étant au cm2 avoir un fort lien affectif avec ce qui était à ce moment mon meilleur ami on était un petit groupe de 3 et on s’est dispatcher, depuis j’ai jamais réussi à être aussi proche d’un garçon
J’ai déjà trouvé des garçon mignon, beau ou m’imaginer être en couple mais en irl sa ma jamais réellement tenté
J’ai 21 ans et j’ai jamais réussi à « tomber amoureuse » pour vous suis je aromantique
Je suis totalement perdue
Merci d’avance à ce qui me répondront
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