Controverses autour du modèle d’attirances séparées (sexuelle/romantique)

A moins que j’utilise un « je » explicite, la plupart des idées présentées dans cet article ne sont pas les miennes mais issues de la synthèse de toutes mes lectures. Je listerai mes sources en fin d’article. Comme je me suis perdu pendant des heures dans les tréfonds de Tumblr pour vous pêcher toutes ces infos, si jamais je n’ai pas eu les yeux en face des trous quelque part et que j’ai écrit des bêtises, signalez-le moi ! J  Je publie quand même cet article à 1h30 du matin, tout va bien :’)

 

  1. C’est quoi le modèle d’attirances séparées (MAS) ?

 

Le modèle d’attirances séparées (MAS), ou split attraction model (SAM) de son petit nom anglophone, est le modèle d’attirances dans lequel on distingue l’attirance sexuelle et l’attirance romantique. Ainsi, selon ce modèle, on peut distinguer deux types d’orientations : les orientations sexuelles qui indiquent envers quel(s) genre(s) on est attiré-e sexuellement ou pas, et les orientations romantiques qui indiquent envers quel(s) genre(s) on est attiré-e romantiquement ou pas. Par exemple, une personne bisexuelle est attirée sexuellement par les gens de deux genres ou plus et une personne biromantique est attirée romantiquement par les gens de deux genres ou plus.

La plupart des gens sont pariorientés, c’est à dire que leur orientation romantique correspond à leur orientation sexuelle. Par exemple, une personne bisexuelle et biromantique est pariorientée. Typiquement, les hétéros sont pariorienté-e-s : iels sont à la fois hétérosexuel-les et hétéroromantiques ! Dans ce cas, préciser l’orientation romantique est redondant et comme c’est le cas de la majorité des gens, on n’utilisait pas le modèle d’attirances séparées (MAS) jusqu’à récemment et l’attirance romantique était comprise dans l’orientation sexuelle.

Cependant, il se peut aussi qu’une personne soit variorientée, c’est à dire que son orientation sexuelle ne correspond pas à son orientation romantique (phénomène aussi appelé orientation mixte ou croisée). Typiquement, cela arrive dans les communautés asexuelle[1] et aromantique[2]. En effet, s’il y a des gens qui sont à la fois asexuels et aromantiques (aroace), il y a aussi beaucoup de gens asexuels mais alloromantiques[3]et aromantiques mais allosexuels[4]. C’est d’ailleurs depuis la communauté asexuelle que ce modèle d’attirances séparées a émergé.

 

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Le drapeau bisexuel aromantique (source)

 

Néanmoins, il se peut qu’une personne allosexuelle et alloromantique soit variorientée. Ainsi, on peut être homoromantique et hétérosexuel-le (être attiré-e romantiquement par le même genre que soi mais sexuellement par un autre genre que soi) ou être biromantique et homosexuel-le (être attiré-e romantiquement par plusieurs genres mais sexuellement par le même genre que soi), etc.

Dans ce modèle, une personne hétéroromantique mais pas hétérosexuelle ou hétérosexuelle mais pas hétéroromantique n’est donc pas hétéro au sens de la norme. En anglais, le terme « straight »[5] qui signifie précisément cela est très utile pour clarifier la différence, mais on se contentera d’hétéro (ou het) sans suffixe en français.

Dans les communautés asexuelles et aromantiques, les gens utilisent souvent également des attirances supplémentaires comme l’attirance esthétique[6], sensuelle[7], platonique[8], queerplatonique[9] et alternatives[10], à partir desquelles ils peuvent former des orientations si ces attirances sont suffisamment importantes pour eux (en effet, lorsqu’on on ne ressent pas d’attirance sexuelle et/ou romantique, ces autres types d’attirances peuvent être alors plus importantes). Cela entre aussi dans le cadre du MAS mais de façon plus spécifique à la communauté asexuelle et aromantique car c’est peu utilisé en dehors de ces communautés (étant donné que ces attirances sont généralement moins importantes lorsqu’on ressent de l’attirance sexuelle et romantique).

 

  1. Rapide histoire du modèle d’attirances séparées

 

Source principale de cette partie : 

http://historicallyace.tumblr.com/post/152267147477/what-kind-of-attraction-a-history-of-the-split

En 1879, un certain Karl Heinrich Ulrichs remarque qu’il existe des personnes variorientées. Il utilise le terme « disjonctives ». Mais son modèle n’est très populaire et est rapidement oublié.

Dans les années 1960, la psychologue Dorothy Tennov parle de « limerance » pour décrire ce qu’on appellerait aujourd’hui un crush ou de l’attirance romantique. Il ne s’agit pas réellement d’un modèle d’attirances séparées car cela va plus ou moins de paire avec l’attirance sexuelle mais c’est intéressant car le terme « non-limerant » sera utilisé comme un précurseur de la notion d’aromantisme.

En 1989, un article sur l’homosexualité fait usage du terme « orientation affectionnelle ». L’origine du terme est probablement antérieure à ce papier mais c’est l’usage le plus vieux que l’auteur-e de historicallyace.tumblr.com ait trouvé. Le premier modèle d’attirances séparées digne de ce nom utilisait donc le terme d’orientation affectionnelle, ce que l’on appellerait nous aujourd’hui l’orientation romantique.

[Référence : Wells, J. W. (1989). Teaching about gay lesbian sexual and affectional orientation using explicit films to reduce homophobia. Journal of Humanistic Education and Development, 28, 18- 31.]

Le MAS tel qu’on le connaît aujourd’hui a pris forme dans la communauté asexuelle. Des discussion ont d’abord eu lieu dans une liste mail (Haven for the Human Amoeba) datant de 2001. On y parle d’hétéro-asexuel, d’homo-asexuel, etc.

On trouve également en 2003 un post sur AVEN (un site sur l’asexualité créé par David Jay) avec un sondage où les options sont les suivantes :

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http://www.asexuality.org/en/topic/873-faq-orientation/

 

Ici, « asexual-asexual » veut bien sûr dire « aromantique asexuel-le » !

Sur le même forum, ce post datant de juin 2005 semble être le premier à parler de MAS et d’orientation romantique telle qu’on les connaît vraiment aujourd’hui : http://www.asexuality.org/en/topic/9433-relationship-definitions/

On peut y lire notamment « homoasexuel romantique » même si aujourd’hui on dirait plutôt « homoromantique asexuel ». C’est aussi le post qui semble marquer la naissance du mot « aromantique » !

En 2007, le MAS était alors couramment utilisé dans les communautés asexuelles et aromantiques.

 

En bref ? L’idée de modèle d’attirances séparées n’est pas si nouveau que ça et a été sous-jacent pendant longtemps dans nos tentatives de comprendre les attirances même si on n’en parlait pas avec nos termes d’aujourd’hui. Le MAS moderne a émergé dans la communauté asexuelle.

 

  1. Arguments contre le modèle d’attirances séparées

 

Le MAS fait couler de l’encre. En effet, il déplait à un certain nombre de personnes. Principalement à la communauté gay/lesbienne. J’ai parfois vu s’en plaindre des bisexuel-les ou plus rarement des asexuel-les. D’après ces personnes, le MAS serait… homophobe ! Quels sont les arguments qui montreraient que le MAS est homophobe ???

1)   Le terme « allosexuel-le » est hypersexualisant pour les gays/lesbiennes/bi qui ont été historiquement hypersexualisé-e-s par les hétéros et le sont encore.

 

2)   Le terme homosexuel-le est pathologisant (car était classé comme une maladie) et hypersexualisant (car contient –sexuel) et ne devrait plus être utilisé car il est homophobe. De plus, les personnes « straight » (hétéro) ne s’identifient pas hétérosexuelles mais juste « straight » donc devrait juste garder gay/lesbienne.

 

3)   Le MAS rend les gens en questionnement plus confus et c’est encore pire avec ces histoires d’attirances esthétique, sensuelle, platonique, etc. Par exemple, une lesbienne esthétiquement attirée par les hommes pourra croire qu’elle n’est pas vraiment lesbienne.

 

4)   Le MAS alimente l’homophobie et la biphobie intériorisée. Par exemple, une femme bi pourra retarder son identification en tant que bi par biphobie intériorisée en se disant qu’elle est bisexuelle et hétéroromantique et continuer à suivre « l’hétéro-ité » obligatoire.

 

5)   Les espaces LGBT+ sont envahis par les cishet ! (Comprendre les gens variorientés dont une des deux orientations comprend le préfixe hétéro i.e. les non-hétéro-romantiques et hétérosexuel-les ou les non-hétéro-sexuel-les et hétéroromantiques…)

 

6)   Les termes gay, lesbienne, bisexuel-le incluent déjà toute forme d’attirance sans pour autant dire qu’il faut toutes les ressentir donc :

–       une personne que l’on appellerait homoromantique asexuelle dans le MAS n’est pas moins gay qu’une personne homoromantique homosexuelle et le terme gay seul suffit. On peut préciser « lesbienne ace » si on veut. D’ailleurs, les personnes ace en faveur de cela disent que le fait d’être lesbienne les opprime plus que le fait d’être ace.

–     une personne que l’on appellerait bisexuelle homoromantique dans le MAS est en fait juste bisexuelle parce que le terme « bisexuelle » ne dit pas qu’on doit être attiré-e de la même manière par tous les genres. On peut simplement dire « je suis attirée sexuellement par plusieurs genres mais intéressée pour ne sortir qu’avec les personnes du même genre que moi » au lieu d’utiliser 3000 étiquettes qui compliquent les choses.

 

7)   L’asexualité et l’aromantisme ne sont pas des orientations en soi mais des modificateurs.

 

8)   Comme le terme homosexuel-le est homophobe et que c’est homophobe de séparer les attirances au vu de tous les points précédents, on devrait arrêter avec les suffixes « -sexuel-le » et « -romantique » et juste dire gay, lesbienne, bi, pan, ace, aro (et les combiner si on veut, par exemple « aro bi »).

 

9)   A la limite, seules les personnes aro/ace peuvent utiliser le MAS. Les autres non, hétéroromantique et homosexuel-le, faut pas déconner non plus !

 

  1. Réponses aux arguments contre le modèle d’attirances séparées

 

1)   Le terme « allosexuel-le » signifie simplement ne pas s’identifier sur le spectre asexuel. Il n’a rien d’hypersexualisant. Ce n’est pas de la faute de la communauté asexuelle si les hétéros hypersexualisent les gays. Rejeter la faute de l’homophobie des hétéros sur les aces, c’est un peu fort de café.

 

2)   Si certaines personnes gay trouvent le terme homosexuel-le pathologisant pour des raisons historiques et veulent qu’on arrête de l’utiliser en général, c’est recevable bien sûr. On ne devrait pas étiqueter des gens concernés par une oppression contre leur plein gré. Par contre, si des personnes aromantiques homosexuelles ou bien encore des personnes gray-homosexuelles par exemple trouvent ce mot utile pour décrire leur expérience, c’est leur droit de l’utiliser pour elles-mêmes car elles sont concernées.

Certaines personnes soulignent le fait que dans le MAS, on utilise les termes juste avec un préfixe qui indique quel(s) genre(s) nous attirent ou pas et un suffixe qui indique le type d’attirance (sexuelle, romantique, platonique, etc.) et que la signification et l’utilisation est légèrement différente de celle utilisée à l’origine dans le terme « homosexuel-le » et que ça n’a aucune implications pathologisantes ou homophobes, cela veut simplement dire « être attiré-e sexuellement par le même genre que soi ».

D’autres personnes soulignent également que le terme « gay » en anglais est moins précis car il peut désigner toute personne non-hétéro (= terme parapluie), toute personne attirée par les personnes du même genre (= gay/lesbienne) ou les hommes attirés par les hommes (= hommes gays).

 

3)   Le MAS ne rend pas les choses plus complexes, elles le sont déjà et il explique au contraire cette complexité. Pour certaines personnes, leurs attirances sont très simples car elles sont pariorientées mais ce n’est pas le cas de tout le monde et cela aide ces gens-là qui en ont besoin.

J’ai remarqué que la peur de rendre les gens en questionnement confus est souvent un argument contre les nouveaux modèles et les nouvelles étiquettes. Je pense que cela révèle d’autres choses qui sont impliquées par cette peur :

  • on n’est pas autorisé à prendre le temps de se questionner dans cette société ;
  • on n’est pas autorisé à ne pas trouver/ne pas avoir d’étiquette tout de suite (ou pas du tout) ;
  • on n’est pas autorisé à se tromper d’étiquette et changer d’étiquette ;
  • on n’est pas autorisé à évoluer et changer d’identité et donc d’étiquette.

Je pense que nous devrions laisser l’espace nécessaire aux gens pour se questionner et les accompagner dans cette démarche plutôt que l’inverse. Non seulement leur cacher la possibilité d’être variorienté-e fera du mal aux personnes qui sont effectivement variorientées, mais en plus cela entretient un climat de honte sur le questionnement qui dessert les gens en général.

En ce qui concerne cette histoire de lesbianisme et d’attirance esthétique : je pense que si l’attirance esthétique est utilisée dans la communauté asexuelle, c’est principalement parce qu’en l’absence d’attirance sexuelle, d’autres types d’attirances peuvent devenir plus présentes/importantes comparées aux personnes allosexuelles – il donc est utile d’en parler. Si vous n’êtes pas sur le spectre asexuel, je crois que prendre en compte l’attirance esthétique dans son orientation perd sûrement de son intérêt. Encore une fois, il vaut mieux en parler clairement dans les ressources qui accompagnent le questionnement pour éviter cette confusion et réaffirmer qu’une lesbienne peut trouver des hommes beaux aussi tout en n’étant pas moins lesbienne plutôt que de ne pas en parler et laisser les ace galérer parce qu’iels vont confondre attirance esthétique/sensuelle et sexuelle (ce qui arrive souvent quand on ne sait pas ce qu’est l’attirance sexuelle mais que tout le monde en parle autour de soi, on est amené à penser que c’est sûrement cette autre attirance qu’on ressent, voyez).

 

4)   Une personne gay ou bi ayant de l’homophobie intériorisée trouvera toujours un prétexte pour retarder son identification – MAS ou pas. Avec le MAS, la personne bisexuelle et biromantique qui s’identifie bisexuelle et hétéroromantique à au moins accès aux ressources LGBT+ destinées aux personnes bisexuelles et pourra alors être accompagnée dans son questionnement et déconstruire sa biphobie intériorisée. Plutôt que d’arrêter de parler du MAS, lorsque quelqu’un exprime être en questionnement, on pourrait simplement lui dire « au vu de ce que tu dis, il se pourrait que tu sois bisexuelle et biromantique mais tu aies encore de la biphobie intériorisée qui t’empêche de te rendre compte de ton attirance romantique pour plusieurs genres ou alors il se pourrait que tu sois variorientée. Dans les deux cas, la communauté est là pour t’épauler et c’est légitime. »

 

5)   Ah… les espaces LGBT+ envahis par les cishet… Cet argument mérite à lui tout seul tout un article. Si vous voulez bien, on va se la faire courte ici. Les personnes variorientées ne sont pas « het » ni « hétéro » au sens de straight même si une de leur orientation contient le préfixe « hétéro- ». En effet, les cishet sont pariorienté-e-s, c’est à dire hétérosexuel-les ET hétéroromantiques. J’entends déjà venir le « mais les personnes variorientées ne sont pas opprimées ! » Comme je le disais, ça mérite un article entier pour expliquer cela. Selon moi, si, il y a des axes d’oppression spécifiques au fait d’être variorienté-e.

J’oserai ajouter que s’iels pensent vraiment que les personnes variorientées sont en réalités pariorientées mais avec de l’homophobie intériorisée, il est un peu incohérent de crier aux cishet qui envahissent le mouvement mais qu’il serait plutôt bienvenue au contraire d’accueillir ces gens pour les aider à déconstruire leur homophobie intériorisée…

 

6)   Si une personne que le MAS aurait pu qualifier de bisexuelle homoromantique veut simplement s’identifier bisexuelle ou bien si une personne que le MAS aurait pu qualifier d’homoromantique asexuelle veut simplement s’identifier lesbienne ou lesbienne ace, aucun souci. Chacun-e fait ce qu’iel veut à ce propos. Il est vrai que les termes « bisexuel-le » ou « gay » incluent toute forme d’attirance sans préciser donc on peut les réutiliser à notre sauce.

Néanmoins, il est vrai aussi que comme la plupart des personnes sont pariorientées, ces termes impliquent une attirance sexuelle ET romantique dans leur utilisation courante. Certaines personnes ont donc besoin de préciser qu’elles sont variorientées et d’utiliser une terminologie spécifique. C’est aussi leur droit. Surtout que comme je le disais juste avant, être variorienté peut causer des situations oppressives spécifiques et il faut des mots pour en parler !

Aussi, le sentiment que l’asexualité est moins importante que le lesbianisme vis-à-vis de l’oppression n’est pas partagé par toutes les personnes lesbiennes/homoromantiques et asexuelles ! Certaines racontent le contraire et ont beaucoup plus souffert de leur asexualité et refusent de s’identifier lesbienne/gay car ne veulent pas être invisibilisées.

 

7)   L’asexualité et l’aromantisme peuvent être vus à la fois comme des modificateurs et des orientations à part entières, ça dépend de la personne concernée à qui on demande. Il n’y a pas de bonne réponse car chacun-e à sa sensibilité. Néanmoins, de manière générale, on dit que ce sont des orientations car les considérer uniquement comme des modificateurs les délégitimise et les rend moins importantes que les autres orientations. Notons tout de même que modificateur et orientation ne sont pas mutuellement exclusif et qu’une orientation peut en modifier une autre si on le voit comme ça !

 

8)   Après tout, si les gens veulent utiliser uniquement « gay », « bi », « aro », sans les suffixes, ça les regarde ! J’utilise moi-même souvent bi sans le suffixe ou l’abréviation aro. Néanmoins, j’ai plusieurs sentiments négatifs à ce sujet :

  • gay et lesbiennes sont des mots en soi mais bi/pan sont des préfixes et aro/ace des abréviations. Oui, des préfixes et des abréviations pourraient devenir des mots par eux-mêmes, mais on ne peut pas dire que c’est équivalent à gay/lesbienne en soi.
  • les mots aro et ace sont à la fois plus familiers et plus jargonants pour les personnes non-sensibilisées alors que les termes aromantique et asexuel-le sont clairs – on sait de quoi on parle rapidement. Le problème avec le fait de garder seulement ace/aro, c’est que ça appauvrit notre langage et invisibilise le fait que c’est l’absence d’attirance sexuelle/romantique.
  • les personnes variorientées dont une des orientations contient le préfixe hétéro- sont obligées de s’identifier straight/hétéro (straight ace, straight aro…) même quand elles sont mal à l’aise avec ça et en plus ça sous-entend qu’elles auraient le privilège hétéro…

Bref, j’ai l’impression que c’est plus une tactique de silenciation et d’invisibilisation qu’autre chose : l’idée est de grouper les personnes variorientées qui font chier les non-hétéro pariorienté-e-s avec des groupes pariorienté-e-s. Faudrait pas que ça soit trop compliqué pour les hétéros, alors un peu de politique de respectabilité par-ci, par-là (politique de la respectabilité = « Ok on est pas hétéro, mais on est pas hétéro de manière à pas trop faire chier les hétéro nous. On est des gentils gays, nous. »)

 

9)   Je ne vois pas pourquoi le MAS serait exclusif aux personnes ace/aro s’il existe des personnes variorientées allosexuelles et alloromantiques. L’attirance, c’est compliqué donc je ne vois pas pourquoi ça n’existerait pas. Toute personne qui trouve le MAS utile devrait pouvoir l’utiliser.

 

Conclusion ?

Le MAS n’est pas en soi homophobe et beaucoup des arguments utilisés contre le MAS sont en réalité une tentative de museler les personnes variorientées et en particulier une belle démonstration d’arophobie/acephobie. Tout est fait pour jeter les ace/aro hors de la communauté LGBT+ : appauvrir leur langage pour les empêcher de s’exprimer, les forcer à s’identifier straight, les grouper avec les gays allosexuel-les et alloromantiques, nier les spécificités de l’arophobie/acephobie, leur inventer un privilège hétéro, les accuser d’homophobie, leur rejeter la faute de l’homophobie des hétéros, etc.

Enfin de compte, vous pouvez utiliser le MAS si vous voulez ou si vous trouvez qu’il est utile pour vous. Si vous êtes pariorienté-e et que c’est redondant de préciser une orientation romantique dans votre cas : pas de soucis. Vous pouvez juste dire que vous êtes bisexuel-le par exemple. La plupart des gens hors de la communauté LGBT+ comprendront que vous incluez une dimension romantique dedans car les orientations romantiques sont peu connues – peut-être un jour le seront-elles. Par contre, c’est important de parler des orientations romantiques et de la possibilité d’être variorienté-e quand on accompagne les gens dans leur processus de questionnement – et de bien le faire.

Pour finir, rappelons tout de même que s’il y a tant de problèmes d’homophobie intériorisée autour de laquelle la discussion à propos du MAS semble se centrer, ce n’est pas la faute du MAS en soi, mais de l’hétérosexisme ! C’est l’hétérosexisme qu’il faut combattre avant tout.

 


Définitions :

[1] Asexuel-le : ne pas ressentir d’attirance sexuelle. Ace est une abréviation.

[2] Aromantique : ne pas ressentir d’attirance romantique. Aro est une abréviation.

[3] Alloromantique (aussi zedromantique) : ressentir de l’attirance romantique, ne pas être sur le spectre aromantique.

[4] Allosexuel-les (aussi zedsexuel-le) : ressentir de l’attirance sexuelle, ne pas être sur le spectre asexuel.

[5] Straight : en anglais, ce terme signfie « droit » et désigne les personnes hétéros qui sont donc dans la norme sociale. Ce terme indique avant tout une position de privilège sur l’axe de l’hétérosexisme. Nous n’avons pas vraiment d’équivalent en français, si ce n’est « hétéro » ou « het ».

[6] Attirance esthétique : le fait de désirer regarder quelqu’un, trouver cette personne belle. Voir : http://angrrygirl.blogspot.fr/2015/05/lattirance-esthetique.html?m=1

[7] Attirance sensuelle : le désir d’avoir un contact sensuel avec quelqu’un, c’est à dire des câlins, bisous…

[8] Attirance platonique : Attirance sentimentale non romantique.

[9] Attirance queerplatonique : attirance sentimentale non romantique se rapprochant du platonique mais qui ne rentre pas dans le cadre de l’amitié normative car elle est plus intime. Voir : http://angrrygirl.blogspot.fr/2015/07/cest-quoi-le-queerplatonique.html

[10] Attirance alternative : attirance ni romantique ni platonique. Voir :  aromantisme et relations

 


Sources pour les parties 3 et 4 :

http://smallswingshoes.tumblr.com/post/148312160639/the-split-attraction-model-is-not-for-you

http://eirenical.tumblr.com/post/130912825482/im-a-lesbian-nd-imo-the-split-attraction-model-is

http://lovethatdiscourse.tumblr.com/post/132782936370/but-really-tho-the-split-attraction-model-is

http://asleepingwindow.tumblr.com/post/128062262525/the-split-attraction-model-is-homophobic

http://moriarteaparty.tumblr.com/post/122413739620/could-you-elaborate-on-the-split-attractions

http://asexualadvice.tumblr.com/post/119780425504/hey-its-me-a-plain-ol-gay-person-because-you

http://lifeandfreedom.tumblr.com/post/155826262285/psa

http://bi-privilege.tumblr.com/post/130885980715/why-would-people-hate-the-split-model

http://everydayfeminism.com/2016/07/cross-orientation-101/

Lectures additionnelles si vous n’êtes pas convaincu-e-s de l’existence de l’acephobie/arophobie :

http://theasexualityblog.tumblr.com/post/148745974859/the-aphobia-masterpost

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