Récemment je vous parlais des bi polyamoureuxes. Ça tombe bien parce qu’une série toute récente intitulée Siren en parle !
Comme son titre l’indique, il y a des sirènes ; mais attention, elles n’ont rien à voir avec celles de Disney, elles seraient plutôt du genre à vous découper en rondelles si vous les cherchez.
Le synopsis de base est le suivant : une sirène, Ryn, se voit contrainte à prendre sa forme humaine pour se rendre sur terre afin de retrouver sa sœur qui a été capturée par l’armée. Elle rencontre sur son chemin un couple d’humains, Maddie et Ben, qui vont l’aider. Tous deux développent un fort attachement envers Ryn et inversement. Il se crée alors naturellement une relation entre eux, qu’on pourrait qualifier de triade ou de trouple. La situation est très bien amenée et se développe petit à petit. Comme Ryn ne connaît pas les us et coutumes humaines, elle observe la façon dont Maddie et Ben se montrent leur amour, et les imite ensuite ; elle est donc plutôt celle qui initie les interactions au début car elle n’a pas la barrière sociale de la monogamie obligatoire. Maddie et Ben sont plus timides, même si on constate que, l’un-e comme l’autre, iels ne sont pas du tout jalouxes et que la situation leur semble naturelle. [Attention, les polyamoureuxes aussi peuvent être parfois jalouxes, ici ce n’est simplement pas le cas.]
On peut donc dire que Maddie et Ryn sont toutes les deux des femmes bi et polyamoureuses, et que Ben est un homme polyamoureux (on ne sait pas son orientation en revanche, si ce n’est qu’il est attiré par les femmes). Cette configuration en trouple avec un homme et deux femmes est probablement la configuration polyamoureuse la plus intelligible vis-à-vis de la mononorme pour deux raisons : 1. l’homme se sent moins menacé dans sa virilité car les relations entre femmes sont dévalorisées par l’hétérosexisme 2. le trouple se rapproche plus du couple (à trois) que si on prenait un réseau polyamoureux complexe ou des anarchistes relationnel-les par exemple. Ce n’est donc pas un hasard que l’on retrouve cette configuration dans Siren, les représentations des personnes marginalisées commençant d’abord parce ce qui est le plus facilement compréhensible pour la norme. En revanche, je ne formule pas de critique sur ce choix scénaristique, il faut bien commencer quelque part.
Notons également ici qu’il y a des humains queer et polya, et pas juste la sirène. Or, lorsque seuls les non-humains sont queer dans un média, cela participe à la déshumanisation des personnes queer et fait comme si les personnes queer n’existaient pas chez les humains. Siren s’en sort donc très bien de ce côté là.
Ce que j’ai aussi beaucoup apprécié c’est le fait d’inclure des personnages queer et polya dans une histoire qui n’a rien à voir. Ils sont juste là, ils existent, ils vivent leur vie, ils participent à l’action… Bref, l’histoire ne tourne pas autour de leur tragique coming-out ou autre. C’est exactement le type de représentation qui est encore trop rare.
Outre cette storyline queer et polyamoureuse, Siren reprend les éléments classiques des histoires fantastiques américaines mainstream : la petite bourgade, le shérif qui est le parent d’un des protagonistes et va tantôt aider tantôt poser problème, la famille de riches qui a une grande influence sur la politique de la ville, les conflits entre personnages sur la gestion des créatures fantastiques, la créature fantastique qui veut être plus proche des humains, etc. Ce manque d’originalité a déplu à certaines personnes. Cependant, on peut faire de bonnes confitures dans de vieux pots, tant qu’il y a une touche différente.
Or, dans ce cas, la série se distingue déjà par la thématique abordée : elle revisite le mythe des sirènes, peu présent dans ce genre de médias qui privilégie plutôt vampires et loups garous.
Elle se distingue également en éclatant radicalement la classique storyline usée jusqu’à la corde du « triangle amoureux » qui nous a tous-tes déjà bien pris la tête en tant que polya, où on se disait « vas-y choisis les deux et on en parlera plus ! » Et bien c’est fait ! Dans Siren les protagonistes choisissent chacun les deux partenaires et ne se posent même pas la question, à tel point qu’il n’y a – à aucun moment – la moindre trace d’un triangle amoureux. Siren enterre comme il se doit le triangle amoureux, merci.
Une série : a un triangle amoureux
Moi, en chantant : polyamour, polyamour, polyamour, polyamour
Et ce n’est pas tout, car Siren inclut aussi des personnages divers dans un univers fantastique, ce qui est peu fait jusqu’à lors : on a des personnages bi et des personnages polyamoureux comme je l’ai déjà relevé mais aussi plein de personnages racisés – du côté humain comme du côté sirène.
Je peux vous dire que ça énerve des gens. Et ça, c’est bien. Ca veut dire que ça à un réel impact positif en terme de représentation, car ça bouscule leurs acquis sociaux. Pour illustrer ce paragraphe, voici quelques captures d’écran :
La personne qui n’est jamais allée voir plus loin que le bout de son nez et qui pense que les personnes racisées, queer et handicapées n’existent pas dans la vraie vie.
Texte de l’image : « J’en suis à l’épisode 7, alors… Que dire, le sujet est superbe, les sirènes, ah magique! Mais en fait non, scénario mal écrit, les réactions de chaque protagoniste est 9 fois sur 10 à la ramasse. Ensuite je voudrais me distraire, avoir peur, être intrigué en regardant cette série ! mais le tout est gâché une fois de plus par le côté donneurs de leçons sur tous les sujet à la mode : bisexualité des sirènes, touche white & black avec les 2 sirènes qui sont soeurs (une blanche, une noire, génétiquement pas très logique tout ça). Une petite couche handicap avec la maman en fauteuil. Allez encore quelques épisodes et il y aura bien un méchant Russe et un Juif opprimé ! Sérieusement… raz le bol de ce continuel cahier des charges qui te véhicule des idées « à la mode » plutôt que simplement te distraire. Du coup ce sera juste la moyenne pour moi… je pense finir la saison et arrêter! »
Le mec qui a regardé la série et qui n’a même pas capté que la sirène était bi.
Texte de l’image : « Bien évidemment il y a une sirène blanche et une d’origine africaine, tout le monde sait ça… il ne manque plus qu’une sirène lesbienne et une autre voilée pour que chaque communauté ait sa sirène… bon mis à part cette démagogie bien pensante la série est pas trop mal (…) »
Bon cette capture d’écran n’a rien à voir avec Siren et parle de l’adaptation de la petite sirène dans laquelle une femme racisée pourrait potentiellement avoir le rôle. Le gars se plaint que c’est évolutivement pas possible d’avoir autant de « mélatonine » sous l’eau (en plus il a confondu mélanine et mélatonine…) Dans la vidéo à côté, KevOnStage lui répond que par contre ça n’a pas l’air de le déranger que soit une sirène ou qu’il y ait un crabe qui parle !
Texte de l’image : KevOnStage (qui a fait la vidéo dit sarcastiquement) « La science de soutient pas l’idée d’une sirène noire -_- -_-« . En dessous la capture d’écran d’un autre mec dit « Je n’ai rien contre une petite sirène noire mais la science ne soutient pas cela. Les niveaux de mélantonine de la peau sont produits sur des générations d’évolution dépendant de la localisation géographique et l’exposition au soleil. Il y a une exposition limitée dans les pronateurs de l’océan, donc il n’est pas logique qu’une sirène ait une peau sombre. »
Le seul reproche que je ferai à la série du point de vue représentation, c’est que la storyline d’un des personnages qui est en fauteuil roulant se dirige dangereusement vers « on va te guérir pour que tu remarches ». Avec si peu de représentation des personnes en situation de handicap, il serait plus urgent de se focaliser sur l’accessibilité car ça aura un impact positif immédiat et à long terme. De plus, l’actrice qui joue le personnage est valide, ce qui est problématique car les acteur-ices en situation de handicap ont peu d’opportunités dans ce milieu.
Avant de conclure, j’ajouterai que j’ai trouvé que la question du génocide passé des sirènes était assez mal exploitée. C’est une idée qui semble lâchée en passant mais qui manque de développement, du coup c’est assez mal fait. Pourquoi ne pas avoir utilisé des flashbacks d’époque par exemple ? Peut-être dans la saison 2…
En revanche, j’ai bien aimé les thèmes écologiques et antispécistes : d’une part, les changements environnementaux et la surpêche affectent les sirènes, d’autre part, l’expérimentation sur des êtres sentients c’est moche éthiquement parlant. De tels messages passent plus facilement lorsqu’ils concernent des sirènes, soit des êtres vivants finalement très proches de nous (humanoïdes et avec lesquels on peut communiquer), d’où l’importance d’analogies dans la fiction.
En conclusion, Siren est une bonne série reprenant des éléments classiques des histoires fantastiques américaines mainstream tout en en révolutionnant certains aspects par ses thématiques abordées et les représentations diverses de personnages marginalisés qu’elle propose. On constate au vu de la réaction de certaines personnes qu’il est loin d’être inutile de recycler du classique en étant plus inclusif, comme d’autres médias l’ont déjà fait (Star Wars par exemple).
Hello! Merci pour ta critique, ça me donne envie de voir la série 😉 Par contre, ça me semble être un défaut de la série mais en vrai j’en sais rien (faut regarder pour que je sache…), il me semble que cette série tombe dans le piège de « toustes belleaux minces et tout », dommage… Etre gros et star dans une série inclusive, c’est encore difficile apparemment… 😥
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Hello, merci de soulever ce point, tu as tout à fait raison. C’est le cas de tellement de séries… Encore difficile l’inclusivité de ce côté là
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Merci pour la découverte, je me suis lancée dans cette série après lecture de ton article et je ne regrette pas ! C’est vrai que la trame est classique mais les personnages sont plutôt attachants, comme tu dis le naturel avec lequel ils vivent leur relation fait plaisir à voir. J’ai aussi noté d’autres thèmes qui m’ont fait chaud au cœur comme les passages où les perso prennent le temps de discuter, de reconnaître leurs erreurs au lieu de finir en bagarre comme c’est le cas habituellement. Bref, j’ai hâte de voir la saison 2 !
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J’ai trouvé la série très moyenne et je crois être une des rares personnes à avoir regardé les 2 saisons en entier. Ce sera sans moi pour la suite … Acteurs dans l’ensemble très amateur … Scénaristes en manque d’idées, mal construit, … Désolé c pê moi qui suis devenu un peu trop exigent même si j’ai des doutes. Pê bien pour les ados et encore …
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