Les pan ne « voient » pas le genre mais les bi oui ?

Article court, temps de lecture estimé : 3 min

Rappel des définitions et du contexte :

*Bi : être attiré-e par plusieurs genres (deux ou plus), pas forcément avec la même intensité ou de la même façon (la bisexualité est donc un spectre). La bisexualité inclut donc parfaitement l’existence genres non-binaires, une personne bi peut être attiré-e par les personnes non-binaires (ou pas). Notez également que plusieurs genres, ça peut être tous les genres. Ça peut donc aussi être indépendamment du genre puisque ce n’est « pas forcément de la même façon » (ça veut dire que ça peut l’être aussi, de la même façon).

*Pan : être attiré-e par tous les genres ou indépendamment du genre.

–> Les deux orientations se recoupent donc grandement et il n’y a pas de limite claire entre les deux, c’est surtout une question de préférence d’étiquette pour la beaucoup de gens (excepté les personnes qui sont attirées par plusieurs genres mais pas tous et qui sont, dans ces cas là, bi et pas pan).

–> Cependant, la tendance à vouloir absolument inventer une nette dichotomie entre bi et pan pour justifier la coexistence des deux termes résulte quasi-systématiquement en des discours biphobes (« la bisexualité est binaire », « la bisexualité est transphobe », « la pansexualité est plus inclusive » : comme on vient de le voir dans les définitions ci-dessous, non).

–> Lire mon article complet sur la question.

A force de rabâcher, les gens commencent petit à petit à comprendre que la bisexualité n’est pas binaire (même si ça reste très laborieux de faire passer le message).

Malheureusement, une fois dépassé le stade de « la bisexualité est binaire », il semblerait qu’ils aient encore besoin de mettre une limite absolument claire entre bi et pan. Du coup, je vois de plus en plus passer cette explication un peu vaseuse :

  • les bi seraient attiré-e-s en fonction du genre de la personne, pour les bi le genre serait important, les bi « verraient » le genre.
  • au contraire, les pan « ne verraient pas » le genre, ça ne serait pas important pour elleux.

Alors déjà, tout le monde « voit » le genre, ça n’est pas possible de ne pas le « voir ». Et par « voir », je n’entends pas forcément l’apparence visuelle. Ça passe aussi par l’utilisation des pronoms, des accords, les interactions, etc. On ne peut pas ignorer le genre (on peut éventuellement se tromper s’il s’agit d’une personne trans au placard, mais on ne peut pas ignorer la notion de genre dans l’absolu en tout cas). Notre perception des gens passe forcément par la matrice sociale genrée, qu’on le veuille ou non, parce que le genre est partout. Donc cette idée selon laquelle les personnes pan seraient « bénies » de la capacité à ne pas « voir » le genre est fausse et porte finalement un sous-entendu (conscient ou non) assez biphobe parce qu’élève la pansexualité à une sorte de pureté militante.

Quant à la question de l’importance du genre, et bien comme on l’a vu plus haut avec la définition de la bisexualité, ce n’est pas forcément vrai non plus. Le genre du partenaire peut tout à fait ne pas être un facteur important pour une personne bi, et au contraire l’être pour une personne pan (être attiré-e par tous les genres n’exclut pas l’absence totale d’importance ou de préférence). Nier le fait que les personnes bi peuvent aussi être attirées indépendamment du genre, c’est nier la pluralité des vécus bi. C’est nier l’existence du spectre bi. Et finalement, on en revient encore une fois à des sous-entendus biphobes, parce que ça présente la pansexualité comme une sorte de pureté militante supérieure vu que ne pas donner d’importance au genre est souvent vu comme « mieux » dans certaines sphères militantes. Alors que pas spécialement : les attirances c’est personnel et ça n’est pas un choix, peu importe les préférences et les importances. Il n’y a pas une orientation meilleure qu’une autre.

En conclusion, la bisexualité est un spectre par définition, on ne peut pas réduire cette orientation à des définitions simplistes impliquant d’effacer la pluralité des vécus bi. On ne peut pas dire que les bi sont attiré-e-s « comme ci » ou « comme ça » au « contraire des pan ». Le seul point commun de toutes les personnes bi est qu’elles sont attirées par plusieurs genres. Et une grande partie de personnes bi a plus de points communs avec les personnes pan que de différences, voire il n’existe aucune différence entre certaines personnes bi et pan pour qui il ne s’agit que d’une histoire de préférence d’étiquettes. Il faut accepter cela. Il est vraiment important d’arrêter de vouloir à tout prix forcer une dichotomie qui n’existe pas entre bi et pan au prix d’explications au mieux vaseuses, au pire biphobes.

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9 commentaires sur “Les pan ne « voient » pas le genre mais les bi oui ?

  1. Bonjour !
    Un article encore très intéressant merci 🙂

    Je pense que si certaines personnes pan disent que elles elles ne « voient  » pas le genre (alors qu’effectivement vous avez raison tout le monde peut le « voir » en soit) c’est pour essayer d’expliquer ce qu’elles entendent par la définition : être attiré « indépendamment du genre » qui leur parlent et correspondent à ce qu’elles vivent.
    Mais ça fini par être très maladroit, ça exclus les personnes bi qui se définissent aussi comme ça, et effectivement ca les place sur un piédestal…
    Hum…
    C’est assez difficile à expliquer ce « indépendamment du genre » finalement pour toutes les personnes (bi et pan) qui se retrouvent dans cette définition …
    On peut peut être dire être attirés par une personne peut importe son genre …
    Être attire sans porter aucune importance au genre, en faisant abstraction du genre dans la limite du possible du coup (ce qui n’exclut pas qu’on sait quand meme le genre de la personne,et ne veut pas dire que les personnes qui sont attirés par plusieurs genres avec différentes intensités ou de différentes façons sont « moins bien »)
    ~
    Bref 🙂

    Bonne journée !
    Sonia

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    1. En fait je me suis rendu compte que j’ai lu trop vite votre article !
      Votre article rejoint et répond à ce que j’ai écrit notamment votre dernier paragraphe sur la question de l’importance du genre.

      Et mon commentaire ne sert pas à grand chose du coup. Je suis désolée 🤦

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  2. Très intéressant ! Je n’avais jamais lu un article qui interroge aussi bien ces deux termes. J’ajoute ma pierre à la réflexion : j’ai l’impression que si le terme « bisexuel » est compris comme une attirance pour les deux genres et donc pris dans l’idée que les personnes bi « voient le genre » c’est parce que le préfixe bi sous-entend une binarité alors que pan a beaucoup plus d’ouverture. En interrogeant la linguistique je trouve qu’on dévoile pas mal l’incompréhension qui peut exister autour de ces deux termes

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  3. Précision pour mon commentaire précédent. Quand je dis « les deux genres » je parle de la conception binaire du genre dans notre société. Je ne veux pas dire qu’il n’existe que deux genres ou que les personnes bi ne peuvent aimer que deux genres. (Commentaires écrits à 1h30 du mat c’est maladroit. Bref si mes commentaires sont offensants je m’en excuse)

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  4. De bonnes explications en effet ! La différence peut paraitre tantôt mince tantôt plus large et complexe…. mais tout se trouve dans les racines des mots eux-mêmes finalement : bi signifiant « deux » cela limiterait aux 2 genres préétablis, tandis que pan (« tout ») engloberait tout individu sans limite de genre, d’identité, de sexualité…. d’où le « indépendamment », le genre n’est alors plus une barrière ou un frein, tout est possible, tout est réalisable 🙂

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