Mogai, qu’est ce que j’en pense avec le recul ?



Est ce qu’il y a trop d’étiquettes ?

Oui, en un sens, car beaucoup sont redondantes, incohérentes voire carrément problématiques (« cistrans »), ou n’ayant qu’une occurrence sur internet balancée par une personne anonyme dans les tréfonds de Tumblr. Mais la plupart disparaitront d’elles-mêmes, justement parce qu’elles sont trop peu usitées ou n’ont pas de sens pratique. C’est un peu la sélection naturelle des étiquettes. Des lors, il apparaît vain de partir à la « chasse aux étiquettes ». Par contre, je pense que par le passé j’ai fait preuve d’un manque de rigueur et de méthode en considérant que tout était légitime juste de par son existence même. Aujourd’hui, j’ai envie de faire plus attention à ce que je relaye, et notamment en mettant en avant des choses plus consensuelles, ou au moins avec un raisonnement étayé par l’autaire de l’étiquette (et non pas une ligne de définition lancée comme une bouteille à la mer sans rien de plus).

Est-ce que les genres « obscurs » sont légitimes ?

Cette question est assez complexe. Il y a beaucoup de genres qui n’ont pas d’implications pratiques dans la vie de tous les jours. Si je dis que je suis non-binaire, ça a des implications, certes diverses selon les gens, mais des implications connues quand même (pronoms, dysphorie, …) Si quelqu’un dit être genre rivière, cela n’a aucune implications pratico-pratique, ou du moins pas connues pour l’interlocutaire. Donc cette étiquette est peu fonctionnelle. Si la rivière est une image d’une forme de fluidité par exemple, la personne devra expliquer qu’elle est de genre fluide, donc c’est le terme genre fluide qui lui aura des implications. Pour autant, ça ne change rien à ma vie si quelqu’un veut s’identifier genre rivière parce que ça lui parle comme image. Après tout, plein de symboles sont associés aux hommes et aux femmes, il n’y a pas de raisons que les personnes non-binaires ne puissent pas être créatives. De plus, la plupart du temps, les gens utilisent ces étiquettes dans un cercle restreint et des termes plus connus dans le quotidien avec les personnes lambda. Je dirais donc que dans ce cadre-là, avec mon exemple, l’étiquette est légitime même si peu pratique, peu fonctionnelle.

Par contre, ce type d’étiquette piochant dans des symboles, des images, est rapidement la porte ouverte à beaucoup de choses n’ayant rien à voir. Il y a beaucoup de gens, jeunes surtout (mais pas que), qui collectionnent les étiquettes de genre de ce style un peu comme un jeu de rôle. Iels en créent des dizaines et des dizaines d’autres, dépourvuese de sens, détachées de la réalité, comme le lore d’un monde fantastique. Si les embêter est plutôt vain (et pas forcément souhaitable car on peut tomber sur des personnes fragiles), ça ne veut pas dire qu’il faut tout de même laisser de la désinformation non-corrigée s’étaler sur Internet.

Ce type d’étiquette attire aussi beaucoup les personnes neuroatypiques. Ça peut être difficile de séparer les symptômes de ses troubles et le genre, et c’est d’ailleurs légitime que ces vécus-là soient très liés car ça impacte vraiment tout. C’est difficile à comprendre pour les personnes neurotypiques, je sais. Mais tout cela peut amener les personnes NA à confondre des symptômes de troubles avec leur genre (même si elles sont vraiment trans aussi d’ailleurs… ou pas). On entre dans une question très complexe et je ne peux décemment pas traiter ce sujet dans cet article pour le traiter bien. Mais donnons un exemple.

Effreu est un genre non binaire effrayant. Ce n’est pas anodin de parler de ce type de sentiment lié à un genre. Du coup, pour une personne qui s’y reconnaît, il serait intéressant de creuser plus loin que le genre. A quels moments ce type de ressenti est-il présent ? Y a-t-il des triggers spécifiques ? Car cela peut par exemple faire penser en réalité à des flash-backs traumatiques si le genre « effreu » n’est ressenti qu’à certains moments après des triggers. Et je pourrais citer plein d’exemples comme ça dans le domaine des trauma : des genres décrits comme noirs, sinistres, froids, vides, etc.
Je sais que ça peut paraître complètement bizarre de confondre genre et flash-back pour une personne qui n’est pas traumatisée et n’a pas ce type de vécu. Mais cela peut être très difficile d’interpréter ses ressentis quand on a des troubles et pas les bons outils. Certains troubles comme les troubles dissociatifs (d’origine traumatique) peuvent également être accompagnés d’un fort déni puisque les symptômes sont censés protéger la personne de ses traumatismes, voire complètement les lui cacher (amnésie dissociative). C’est donc un écueil courant dans ce contexte d’attribuer ses symptômes à d’autres choses pour les rationaliser. Il faut donc se poser les bonnes questions pour ne pas passer à côté de quelque chose. Par contre, il n’est pas souhaitable d’aller à l’encontre du déni de quelqu’un, a fortiori qu’on ne connaît pas, lorsque cette personne n’est pas prête à gérer ses traumatismes – surtout, nous ne sommes (souvent) pas psy, et certainement pas son psy.


En conclusion : tout n’est pas légitime tel quel par le simple fait d’exister. Une personne ne sait pas forcément mieux ce qu’elle vit, par le simple fait d’avoir tel ou tel ressenti, puisque divers mécanismes peuvent brouiller son jugement, son interprétation : la désinformation, le déni, les troubles psy, etc. Il est correct de questionner certaines étiquettes, cela peut être fait respectueusement. Car malheureusement les débats sont rarement sereins dans nos communautés.

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2 commentaires sur “Mogai, qu’est ce que j’en pense avec le recul ?

  1. Perso, je me limite à l’étiquette homosexuel / gay (puisque j’en suis un 😉
    Le problème des étiquettes est que tu embrouilles la majorité des gens.
    Dépasser « homo/gay/lesbienne/trans/bi », tu perds la majorité des gens quand tu parles de non-binarité ou autres termes.
    Le non binaire entre dans le langage pour désigner un entre deux (entre cis et trans), cependant je pense que 90% des étiquettes disparaîtront d’elles-mêmes.
    Déjà quand quelqu’un me dit qu’il/elle est omnisexuel.le ou allosexuel.le, je suis moi-même perdu et j’ai l’impression que ces termes désignent déjà une étiquette déjà existante c’est comme pansexuel.le et bisexuel.le !!!

    Aimé par 1 personne

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